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    09 Souvenir de Jérémie – Voyage en Espagne
    (Mai 2000, 1 an avant « première révision »).

    Le voyage de fin d’année de première, nous amène en Espagne, à Saint-Sébastian, à Bilbao, en Aragon, à Alquézar.
    Au départ de Toulouse, alors que je monte dans le bus avec Valérie, une camarade de classe et ma meilleure copine de l’époque (après que Nadia a déménagé dans une autre ville), Jérémie est installé à côté de son pote Thierry à mi-chemin entre les deux sorties.
    J’avance dans le petit couloir et je ne peux m’empêcher de le regarder. Le bogoss capte mon regard, il l’accroche, il ne le lâche pas. Moi non plus je ne lâche pas le sien, et je m’étonne moi-même de ne pas baisser les yeux.
    En passant à côté de lui, j’ai même droit à un beau sourire et à un « Salut ! ».
    Malgré le sprint olympique que se tape mon cœur dans la seconde, j’arrive à lui répondre de la même façon. « Salut ! ». Je suis trop content intérieurement, mais j’essaie de ne pas trop le montrer.
    Avec Valérie, nous nous installons dans les sièges juste derrière lui. Quelle chance qu’ils soient encore vides !
    Le bus démarre. Nous n’avons même pas encore quitté la rocade que déjà Valérie commence à taper la discute avec Jérémie. Je tends bien l’oreille pour entendre leur conversation et j’apprends beaucoup de choses au sujet du bogoss. Il est célibataire (ça promet pour le voyage qui commence), il kiffe une meuf d’une autre classe (ça fait mal de l’entendre), il a un petit frère prénommé Maxime, son père est vigneron.
    Les kilomètres s’enchaînent, le réveil trop matinal finit par avoir raison de ma curiosité. Entre Tarbes et Pau, je finis par m’assoupir.
    Lorsque je refais surface, une bien mauvaise surprise m’attend : j’ouvre les yeux et je vois direct ma pote Valérie à côté de mon Jérémie… en train de lui rouler une pelle ! Ah, putain, que c’est traître une gonzesse ! (la jalousie me rend dingue).
    Je bug carrément quand je vois ça ! Ma meilleure pote se tape le mec sur lequel j’ai flashé. C’est insupportable. Pourquoi il faut que ce soit elle ?Je suis dégoûté à un point inimaginable ! Le voyage commence tout juste et je ne suis plus très heureux d’être là.
    Du coup, par jalousie, je ne calcule plus trop Valérie. Ni pendant le reste du trajet, ni pendant les premiers jours du voyage. Je me renferme sur moi-même, tout en essayant de ne pas montrer ma déception et ma colère, je m’isole un peu plus encore que d’habitude.
    Quand je les vois se rouler des pelles, se peloter, quand je vois Jérémie sourire à ma copine (ex copine), la faire rire, tenter (avec succès) de lui faire du charme, je m’imagine tout simplement à sa place à elle. Je donnerais n’importe quoi pour embrasser et toucher le bogoss, pour avoir droit à ses sourires de fou qui me font fondre.
    Au bout de deux jours, Valérie finit par venir me voir et me demander pourquoi je lui fais la tête : malgré tous mes efforts, elle a bien vu que je suis contrarié. J’invente un bobard vite fait pour ne pas éveiller ses soupçons.
    Pourtant, je lui en veux beaucoup. Même si, au fond, elle ne fait rien de mal. Aller vers un mec comme Jérémie, il n’y a rien de plus naturel pour une belle nana.
    Je prends sur moi pour faire semblant, pour essayer d’avoir un comportement « normal ».
    Comme si le fait de voir ma copine se taper Jérémie n’était pas suffisant, dans la deuxième partie du voyage je me fais sérieusement emmerder par Laurent, un mec d’une autre classe, un type franchement trop chiant. Le type me colle la honte en m’appelant « Ma Chérie », il me cause comme si j’étais une nana, il se fout de mes cheveux « coiffés en balai de chiottes », de mes vêtements « Made in Emmaüs », de chacun de mes gestes, de mes mots, de ma voix. Je ne peux pas faire un pas sans entendre sa voix de con me casser les couilles. Il est vraiment trop rélou.
    Le pire c’est quand il arrive derrière moi par surprise, qu’il me passe son bras autour du cou et qu’il me parle dans l’oreille ! Putain, qu’est-ce que ça me gonfle d’entendre son souffle et de me prendre ses postillons !
    Très vite, il commence à me demander des clopes. Evidemment, puisque je ne fume pas, je n’en ai pas. Il me demande alors de l’argent pour acheter des clopes. Je lui en donne une fois, pour qu’il la ferme. Et il la ferme, du moins à chaque fois qu’il a une clope au bec.
    Mais une fois le paquet terminé, c’est-à-dire le lendemain, il vient me redemander de l’argent. Je refuse. Il recommence à me casser les couilles. Je fais tout mon possible pour l’éviter, en veillant autant que possible d’avoir toujours un prof à proximité. Mais le connard est du genre teigneux et il finit par réussir à me coincer dans le couloir de l’hôtel, juste après le dîner. J’ai beau lui dire que je n’ai pas beaucoup d’argent, il ne me lâche plus.
    J’en ai vraiment marre de lui, je ne veux plus me laisser faire, mais le mec insiste, il devient de plus en plus agressif et menaçant, je ne sais vraiment plus comment m’en débarrasser.
    « Il te dit qu’il n’a pas de clope, fiche-lui la paix ! ».
    Jérémie vient de surgir à l’improviste et de s’adresser directement à ce gros con de Laurent. Et il lui donne son paquet de clopes entamé.
    « Merci Jérém… » fait Laurent, soudainement calmé « on rigolait, pas vrai, Nico ? ».
    Je me tais, sonné par l’intervention de Jérémie.
    « A partir de maintenant, je ne veux plus te voir en train de le faire chier… » fait le bogoss, le regard noir.
    « Il faut pas en faire un drame… ».
    « Demain tu t’achètes des clopes et t’arrêtes de l’emmerder, c’est compris ?! » fait Jérémie en montant le ton de plusieurs crans.
    « Ok, ok, t’énerve pas… ».
    Sur ce, Laurent se tire, et Jérémie lui emboîte le pas. Je le regarde s’éloigner alors que j’ai tellement envie de le retenir.
    « Merci, Jérémie ! » je lui lance, le cœur qui bat à tout rompre.
    Le bogoss ne se retourne même pas, se limitant à me lancer un geste de la main qui semblait signifier : « c’est rien, laisse tomber », juste avant de disparaître au tournant du couloir.
    Sur le coup, je réalise tout juste ce qui vient de se passer : Jérémie vient de prendre ma défense alors que rien ne l’y obligeait. Sans pour autant vraiment comprendre pourquoi il est venu à mon secours à cet instant précis, alors que je me fais régulièrement emmerder au lycée (mais jamais à ce point, c’est vrai), et qu’il n’a jamais levé le petit doigt pour me sortir du pétrin.
    Le lendemain, j’espère profiter de cet épisode pour avoir un ticket d’entrée pour discuter un peu avec lui. Je prends mon courage à deux mains et je vais le voir alors qu’il fume seul dans un coin.
    Mes espoirs sont vite déçus. J’essaie de lui parler, mais je le sens plutôt distant et froid, il affiche un air pressé, surtout pressé de me voir dégager. Ce qui coupe mon élan et me fait perdre tous mes moyens : du coup, j’ai juste envie d’aller me cacher.
    Le voyage touche à sa fin et nous voilà sur le chemin du retour. Au départ d’Alquézar, je suis assis à côté de mon pote David. Valérie et moi sommes toujours en froid.
    Ceci dit, je suis soulagé de voir qu’elle semble l’être avec Jérémie aussi, car ce dernier est installé à plusieurs sièges de distance. Est-ce que le fait que Jérém ait embrassé une autre nana lors de la soirée d’il y a deux jours, y est pour quelque chose dans cet éloignement providentiel ?
    En début de soirée, alors que la nuit tombe, le bus s’arrête dans une station-service pour une pause pipi. Au moment de repartir, mon pote David s’en va s’installer au fond du bus avec d’autres camarades. Une place reste donc libre à côté de moi, côté couloir. Une place qui ne tarde pas à être prise.
    Par qui ? Par cette mégabombasse de Jérémie !
    Le bogoss semble de bien meilleur poil que la dernière fois où j’ai essayé de lui parler. Il me demande si j’ai bien aimé le voyage, nous échangeons quelques banalités. Il me parle de Valérie, il me dit qu’elle est cool, marrante (ah bon, c’est pour ça que tu as embrassé l’autre blondasse avant-hier soir ?). Je l’écoute, tout en chauffant sérieusement à l’intérieur, mais j’essaie de ne rien montrer.
    Puis, à un moment, un pote assis de l’autre côté du couloir l’appelle ; le bogoss se retourne, il me tourne le dos et il ne me calcule plus. Je mets mes écouteurs sur les oreilles et j’essaie de dormir un peu.
    Il fait nuit à présent, les lumières dans le bus sont plutôt faibles : très vite, je m’assoupis.
    Je suis presque endormi, lorsque je sens quelque chose se poser et peser contre moi. Lorsque je reviens à moi, je me rends compte que c’est la tête de Jérémie qui est en train de glisser sur mon épaule. Le bogoss, toujours de dos par rapport à moi, est en train de s’endormir lui aussi.
    Je suis fou de le savoir si proche, je suis dans un état d’excitation inimaginable ! J’en tremble…
    Avec les mouvements du bus, sa tête et ses épaules finissent par glisser le long de mon bras et par se retrouver sur mes cuisses. Le mec que je kiffe à mort est en train de dormir sur mes genoux, je suis enivré par la chaleur et l’odeur de sa peau. J’ai les sens en feu, j’ai trop envie de le caresser, de mettre ma main dans ses cheveux ou de la glisser sous son t-shirt.
    J’ai horriblement envie de lui, mais je suis également très touché. Quand je le regarde dans son sommeil, dans cette position, je ne vois plus le jeune loup sûr de lui et inaccessible, le jeune mâle à la queue bien chaude, un brin arrogant. Ce que je vois, c’est un gosse qui s’est encore fait avoir par le marchand de sable… bonne nuit, les petits…
    L’image est d’une douceur émouvante. Alors, avant tout désir sensuel, j’ai envie de le serrer dans mes bras et de le couvrir de bisous.
    Assommé par la fatigue, bercé par les mouvements du bus, et bouleversé par le bonheur d’avoir le mec que j’aime si proche, même si endormi, je finis par m’assoupir à mon tour.
    Nouvelle surprise en me réveillant un peu plus tard. Je suis saisi par une panique indescriptible lorsque je réalise que ma main est posée sur son torse. Du coup, je suis comme pétrifié, je n’ose plus bouger, de peur qu’il se réveille et qu’il s’en rende compte. Mon regard reste bloqué sur ma main se soulevant au rythme de sa respiration, ma paume chauffée par le contact avec son corps, et j’ai l’impression que le moment dure longtemps, très longtemps. Et c'est à la fois un moment de pur bonheur et d'immense angoisse.
    Lorsque j’arrive enfin à tourner la tête et à regarder son visage, je m’aperçois que le bogoss a les yeux entrouverts, et rivés sur ma main. Je ne bouge pas, j’évite juste son regard direct, tout en le « surveillant » du coin de l’œil.
    Quelques instants plus tard, je le vois refermer les yeux, sans chercher mon regard une seule fois.
    Le bus s’arrête pour une nouvelle pause pipi. Jérémie se relève avant tout le monde, comme s’il avait honte qu’on le voit allongé sur mes genoux. Je le regarde se faufiler en vitesse dans le couloir du bus, m’ignorant une fois de plus, alors que ma main et mes genoux s’ennuient déjà de la présence de son corps chaud, alors que mon cœur est meurtri par son manque de considération à mon égard.
    Au moment de reprendre place avant de repartir, un camarade appelle Jérémie et ce dernier passe à côté de moi et, sans un regard, il continue vers le fond du bus.
    Je suis très déçu qu’il ne revienne pas s’asseoir à côté de moi. Au fond de moi, j’y avais cru. Du moins, je l’avais espéré très, très, très fort.
    Je me retourne pour voir où il va s’asseoir. Pendant un instant, je croise son regard, un regard dans lequel je crois voir comme une ombre de déception, comme s’il était emmerdé d’avoir été interpellé et qu’il aurait préféré faire les derniers kilomètres avant Toulouse à mes côtés.
    Mais je me fais certainement des films, je prends mes rêves pour des réalités. Il faut que j’arrête de kiffer ce mec à ce point.
    Le soir, dans mon lit, je me demande si j’ai vraiment vécu l’épisode du bus. Je me sens un peu honteux, je me sens soudainement très « pd », je me demande s’il est normal, s’il est sain de ressentir autant de choses pour ce garçon, surtout pour un garçon si inaccessible.
    Des questionnements qui tournent en boucle dans ma tête, qui ne cessent de faire surface, de tourner dans mon esprit, tout en aboutissant à chaque fois la même considération : Nico, tu es amoureux pour la première fois de ta vie.
    Tout s’emmêle dans ma tête, j’ai envie d’aller vers lui et j’ai peur de mes sentiments. Je crois que j’ai vraiment réalisé à cet instant ce qu’être amoureux signifie, et je devine que, puisque mon amour est ainsi fait, ma vie sera compliquée.
    Je trouve cela à la fois beau et effrayant. Être amoureux, j’imagine bien que ça doit être l’une des plus belles choses de l’existence. Mais être amoureux d’un gars, et notamment de ce gars, ça ne présage rien de bon. Et, surtout, ça ne mènera nulle part, à part me confronter au malheur de ne pas pouvoir l’avoir.
    Malgré cela, j’ai hâte que le week-end se termine pour retrouver Jérémie en cours. Hélas, dès le lundi suivant, le bogoss est à nouveau très distant avec moi, voire davantage que d’habitude. Est-ce qu’il m’en veut pour ce qui s’est passé dans le bus ?


    10 Jérémie sort de la douche
    Mardi 8 mai 2001.

    Après cette baise express dans les toilettes du lycée, chacune des fibres de mon corps réclame le délire des sens que ce mec sait m’offrir. Je bande rien qu’en pensant à ce qu’il m’a fait depuis la première « révision », et à ce qu’il ne m’a pas encore fait.
    Je passe ce mardi, jour festif, ce qui veut dire « pas de lycée, pas de Jérém » à penser à mon bobrun et à son incroyable puissance sexuelle.
    Difficile de me concentrer sur les révisions avec des préoccupations de la sorte. Avec de telles idées dans la tête, ma queue ne me laisse aucun répit. La branlette me tire plusieurs fois de mes angoisses, comme une petite brise qui pousse un nuage.
    C’est extraordinaire le pouvoir que possède une branlette, le pouvoir de chasser les tensions, les soucis, de dégager l’esprit de façon, certes provisoire, mais radicale. Une fois qu’on a joui, on se sent bien, et toute chose a l’air de rentrer dans l’ordre. Ça ne dure pas longtemps, mais c’est diablement apaisant.

    Mercredi 9 mai 2001.

    Je retrouve Jérémie le lendemain, au lycée. Aujourd’hui, le bobrun porte une chemise à petits carreaux blancs et noirs, les deux boutons du haut défaits, l’ouverture en V laissant entrevoir sa chaînette dorée posée sur sa peau rasée. Une chemise qui se paie le luxe de mouler à la perfection son torse spectaculaire, comme si elle était cousue sur mesure.
    Là, il faut vraiment qu’on m’explique comment cela est possible. Encore, je comprends qu’un t-shirt puisse mouler une plastique comme la sienne à chaque coup, il suffit de prendre une taille en dessous et le tour est joué. Mais dans le cas d’une chemise, le fait d’arriver à mouler un torse pareil avec une telle perfection est un exploit autrement remarquable.
    Comment est-ce possible que la coupe de cette chemise arrive à créer et maintenir cet équilibre précaire entre le fait de mouler sa plastique à la perfection et le fait de ne pas paraître trop juste, trop étriquée ? Comment est-il possible que les boutons semblent à chaque instant sur le point de tirer sur les fils et sur le pan opposé, de déformer les espaces entre les boutons mêmes, et pourtant, il n’en est rien, l’équilibre est maintenu, la perfection est là, sans discontinuer ? Secret de bogoss…
    Vers la fin de la matinée, c’est au tour du troisième bouton d’être défait, et c’est tout simplement affolant. La vue plongeante sur ses pecs est un pur scandale.
    Jérémie m’ignore carrément pendant toute la journée. Nous ne nous adressons pas la parole de la journée. Même pas un simple bonjour. Le mec est là, assis à quelques bancs de moi et il fait comme si je n’existais pas.
    Une seule question tourne en boucle dans ma tête : quand est-ce que je vais à nouveau goûter à sa queue ? Non, plutôt deux questions : quand et comment vais-je pouvoir lui offrir l’orgasme de sa vie ?
    Pendant toute la journée j’espère qu’il vienne me proposer de « réviser » en fin d’après-midi. Hélas, à mon grand dam, il n’en sera rien.
    A la fin des cours, je le vois partir tout seul, sans doute en direction de son studio. Profitant de l’absence de sa greluche, j’accélère le pas pour le rattraper.
    « Salut » je l’aborde « pas de révisions aujourd’hui ? ».
    « Non, pas de révisions » il me lance avec une certaine indifférence, pour m’assommer juste après avec un : « trop révisé hier soir ».
    « Salopard… ».
    Voilà le premier mot qui me vient à l’esprit. Mais, au lieu de quoi, je réponds bêtement, sans réussir à cacher ma déception :
    « Ok… peut-être demain, alors… ».
    « Je sais pas, on verra » fait-il sur un ton complètement dégagé.
    Je me sens complètement désarçonné. Le bogoss semble le remarquer et il me balance :
    « T’en as jamais assez, toi, de te faire baiser ».
    « J’ai trop envie de toi » je choisis d’être en phase avec moi-même.
    « Je sais… » il rétorque tout naturellement, style « ça coule de source, je suis un canon ». Il me balance ça avec une assurance qui mériterait des tonnes de gifles, et il continue : « mais là j’ai envie de baiser des nanas… toi je te baiserai peut-être plus tard ».
    Sur ce, le bogoss repart sur sa lancée, sans même dire au revoir.
    Il me quitte ainsi, se moquant de mes envies, me balançant un râteau monumental à la figure. Les mots « peut-être » et « plus tard » résonnent obsessionnellement dans ma tête, blessants. Ce n’est donc pas sûr, et ça risque de ne pas être vraiment tout de suite. Mais quand, alors ? Putain, ce mec me rend dingue, ça y est !
    Oui, quel salopard ! Quel magnifique, charmant, sexy salopard !
    En cours, nous nous évitons. Surtout, il m’évite. Non, pire que ça, il m’ignore. La frustration me ronge. L’humiliation qu’il m’a infligée le lundi soir en m’envoyant promener, me brûle de l’intérieur.
    Ce n’est pas tant le fait qu’il ait envie de coucher avec des nanas qui me trouble, je sais qu’il est hétéro et que l’on ne débauche pas un hétéro comme ça. Je me dis que je pourrais éventuellement me contenter de nos « révisions », à condition qu’elles soient régulières. Et, surtout, qu’il ne me balance pas qu’il n’a pas envie de « réviser » avec moi, car il a trop « révisé » la veille !
    Me faire jeter de la sorte, c’est horriblement dur. Je ne comprends pas ce mec. S’il prend autant son pied avec moi que j’en ai l’impression, pourquoi s’en priver ? Est-ce qu’il prend davantage son pied avec les nanas qu’avec moi ?

    Jeudi 10 mai 2001.

    Le jeudi, entre midi et deux, je le croise dans les couloirs avec Anaïs. Il m’arrête avec un grand sourire et, devant elle, avec un aplomb redoutable, il me propose de « réviser » chez lui le soir même, vers 18 heures. Pris de court, un peu gêné par la présence d’Anaïs, j’accepte.
    A l’heure convenue, je vais le retrouver dans son studio pour « réviser » une fois de plus la géographie passionnante de son beau physique, pour explorer les dénivelés de son torse, pour arpenter du regard le profil parfait de son dos musclé, pour jauger le gabarit et la puissance de son sexe.
    Quelle surprise alors, lorsque la porte s’ouvre, de voir le bogoss apparaître avec une simple serviette autour de la taille, serviette qu’il laisse tomber juste après que j’ai refermé le battant derrière moi. Ses cheveux sont encore mouillés et quelques gouttelettes perlent de ses épaules et descendent sur son torse. Et sa queue n’attend qu’une chose : que l’on s’occupe d’elle.
    Sans un mot, il se dirige vers le lit, il s’y allonge, accoudé, beau comme un Dieu, offrant cette plastique incroyable à mes yeux émerveillés, comme une invitation silencieuse mais irrésistible à le faire jouir.
    « Viens sucer… ».
    Je ne me fais pas prier pour satisfaire sa demande, ou plutôt son ordre, trop heureux de mon aubaine, toujours incrédule qu’un mec aussi canon ait envie de se soulager avec moi.
    Ses tétons saillants sont si tentants que je ne peux résister à la tentation de les exciter avec ma langue, avec mes lèvres. Je m’y attarde un bon petit moment, tout en saisissant sa queue et en la branlant lentement. Puis, je descends lentement le long de la ligne médiane de son torse, je passe les abdos en alternant bisous et coups de langue rapides, et je continue en direction du chemin du bonheur.
    Ma langue est insatiable et pleine d’imagination, elle semble trouver toutes les astuces pour faire monter l’excitation du bel étalon jusqu’au point où ce dernier décide de me notifier son impatience avec une suggestion toute « en nuances » :
    « Vas-y, putain, suce ! ».
    Définitivement, j’adore ses ordres qui claquent, cette impression qui se dégage de ses mots, de son attitude, comme s’il était acté, naturel, que je sois là dans le seul but de lui vider les couilles, le parti pris qu’il n’y a que son pied qui compte, quand, comment et autant qu’il le veut, et que je suis censé avoir envie de ce dont il en a envie. Bref, son coté petit macho arrogant et sûr de lui, ça m’excite grave.
    « T’as la peau douce… » je ne peux me retenir de lâcher.
    « Oui, la peau douce et soyeuse, la queue raide et délicieuse… suce ! ».
    Si ça ce n’est pas une réplique de petit con, je n’y connais rien !
    Sans plus tarder, je m’exécute, et avec bonheur.
    « Vas-y, avale-la bien, suce comme ça… elle t’a manqué ma queue, hein ? Maintenant il faut bien t’en occuper, vas-y, fais bien ta salope ! » il enchaîne, sans vraiment s’attendre à une réponse, réponse qui ne pourrait d’ailleurs pas venir dans l’immédiat puisque mes lèvres et ma langue sont prises dans une affaire urgente qui ne leur laisse guère le loisir de causer.
    Ma fellation semble lui faire un sacré effet, très vite le bogoss semble carrément dépassé par le plaisir. Ses abdos se soulèvent au rythme de sa respiration profonde et saccadée, sous l’effet d’une excitation extrême. Je lève les yeux juste à temps pour le voir bomber le torse et ramener la tête en arrière, la bouche entrouverte comme pour rechercher de l’air.
    Le voir dans cet état est un pur bonheur. Je suis excité comme jamais dans ma vie. Pourtant, côté excitation, je ne suis pas au bout de mes surprises. A un moment, ses mains se faufilent sous mon t-shirt pour aller tout droit agacer mes tétons.
    Le toucher de ses doigts est détonnant, c’est à la fois un plaisir des sens et bien plus que ça. Le bogoss a retenu la « leçon », il a compris que mes tétons sont hypersensibles. Est-ce qu’il veut vraiment me faire plaisir ?
    Au fond, peut-être que son but est tout simplement de m’exciter pour me rendre encore plus soumis, pour me pousser à donner encore plus d’entrain à ma fellation.
    Quoi qu’il en soit, alors que ses doigts se baladent autour de mes tétons, alors que ses paumes chaudes se posent sur ma peau, je m’embrase de plaisir. Ma queue est de plus en plus à l’étroit dans mon pantalon, mon entrejambe frémit d’envie.
    Désormais complètement allongé sur le lit, les bras pliés, les mains croisées entre la nuque et l’oreiller, pour la première fois le bogoss me laisse faire, se contentant de me regarder, sans chercher à forcer les choses pour prendre son pied. Comme un instructeur de vol qui laisse enfin prendre les commandes à son élève, Jérémie accepte de me laisser la main pour le pilotage de son plaisir.
    Il faut que je sois à la hauteur. Ma bouche s’affaire autour de sa queue, mes mains parcourent son torse et ses tétons, fébrilement, dans le but de le rendre fou de plaisir.
    Chose que je fais de plus en plus aisément car, au fil de nos« révisions », je commence à répertorier de plus en plus précisément ses zones érogènes et les caresses qui le font vibrer.
    Ce qui ne m’empêche pas de ressentir parfois la grisante sensation de lui faire découvrir des caresses nouvelles, des sensations insoupçonnées. Ce qui, avec un mec comme Jérémie, avec son expérience au pieu, avec l’effet qu’il me fait, représente un petit exploit qui me rend pas peu fier de moi…
    Et lorsque je l’entends lâcher, la voix étranglée par l’excitation :
    « Putain, ça c’est bon, ça c’est trop bon… »,
    je me plais d’imaginer qu’il n’a jamais pris autant son pied au lit.
    Parmi les petits trucs qui semblent vraiment le faire grimper au rideau, le bout de ma langue mettant des petits coups rapides dans le creux du gland.
    « Putain que c’est bon, vas-y, comme ça, tout doux, ah putain… ».
    Et, aussi :
    « Vas-y, occupe-toi de ma rondelle maintenant ! »
    Ah putain, décidemment il aime ça ! Quand je pense que la première fois que j’ai essayé de lui proposer, il voulait m’en empêcher ! Et maintenant, c’est lui qui le réclame !
    Comment refuser une telle invitation ? On ne peut tout simplement pas. Je plonge mon visage entre ses fesses musclées, ma langue se lance à l’assaut de son trou avec un entrain totalement débridé.
    Je sens sa respiration de plus en plus rapide annoncer clairement son plaisir, je nage en plein bonheur !
    « Reviens me sucer maintenant ! ».
    Je m’exécute, je le pompe de plus en plus vigoureusement. Je n’aurais pas le loisir de m’y consacrer très longtemps. C’est au bout de tout juste quelques va-et-vient que je l’entends lâcher :
    « Putain, putain… tu vas m’avoir…».
    Je ne demande pas mieux, alors j’y mets encore plus d’énergie.
    « Oui, oui, comme ça, vas-y ! Oui, je viens, oui, oui, oui…».
    Plusieurs jets chauds et épais viennent percuter le haut de mon palais, répandant dans ma bouche ce goût chaud et un peu salé qui me rend dingue.
    Tout excité d’avoir réussi à lui offrir son orgasme par moi-même, sans que ses coups de reins viennent le chercher, je garde pendant un instant sa semence sur ma langue, avant de l’avaler, et de la savourer par petites gorgées.
    Le bogoss est à présent complètement abandonné sur le lit, avec ce regard détendu et apaisé qu’ont les mecs après l’orgasme.
    J’ai tout juste le temps de me retirer de son entrejambe que le bogoss tend ses abdos de fou pour relever son buste. Un instant plus tard, il est debout, il passe son jeans sans même prendre la peine de glisser le boxer d’abord, ce qui me laisse interrogatif et intrigué quant à une suite possible des évènements. Pieds nus, le bogoss part en terrasse fumer sa clope.
    Le corps étourdi par tant de bonheur sensuel, je trouve agréable de m’allonger à mon tour sur le lit, sans pour autant quitter le bobrun du regard. Recto, verso, ce garçon est une œuvre d’art absolue.
    Je me fais la réflexion que si dans la beauté de ce jeune mâle, les gènes doivent y être pour quelque chose, ce physique de ouf est aussi et surtout le résultat de sa passion, le rugby et d’une pratique assidue de la musculation et de tout type de sport.
    En laissant traîner l’oreille au lycée dans des conversations entre le bogoss et d’autres camarades, j’ai appris que Jérémie s’est également essayé à la natation, au surf, au tennis, au ski, et Dieu seul sait quoi d’autre.
    Soudain, je réalise que le bogoss vient de finir sa cigarette. De quoi va-t-il avoir envie maintenant ? Aurait-t-il envie de me baiser ?
    Il avance vers le lit, il s’arrête juste devant moi. Il me toise. Les secondes s’enchaînent, le silence devient pesant.
    « Dessape-toi, et mets-toi sur le dos… » il finit par me lancer froidement.
    Putain, il va me baiser ! Je n’osais pas l’espérer, je suis fou ! Et je le suis d’autant plus en raison de la façon dont il vient de me l’annoncer, le ton toujours aussi ferme, directif, un tantinet arrogant. En un mot, bandant.
    Il se dessape, je me dessape.
    Si tu savais, mon Jérémie, le cadeau que tu me fais à cet instant précis, en m’annonçant que tu vas me prendre par devant ! Si tu savais à quel point j’ai envie de te mater pendant que tu prends ton pied, à quel point j’ai envie de découvrir tes attitudes pendant la baise, de voir comment l’orgasme se dessine sur ta petite jolie gueule de mec !
    Me voilà allongé sur le dos, les jambes écartées, complètement offert à ses envies de mec. La simple vision de ce beau mâle me donne des désirs de plaisir passif violents. Quant à son déo, il me met dans un état second…
    Je regarde mon beau Jérémie en appui sur ses genoux, me dominant de toute l’envergure de son torse de malade, en train d’enduire sa queue avec sa salive pour la préparer à l’assaut de mon trou affamé.
    « Mets ça sous tes fesses…» fait-il, en me passant un oreiller.
    Le bogoss a les idées claires, j’adore !
    La suite, ce n’est que l’affaire d’un instant. Mes chairs cèdent docilement sous la pression vigoureuse de son gland, elles s’ouvrent devant la fermeté de son érection, comme si elles reconnaissaient instantanément le manche capable de faire leur bonheur.
    Le bogoss s’enfonce en moi en poussant un long soupir de bonheur sensuel. Puis, bien calé au fond de moi, il marque une pause, les yeux fermés, comme débordé par l’excitation, jouissant de la chaleur humide de mon entrejambe, semblant déguster d’avance le plaisir masculin qu’il va prendre dans mon petit cul bien offert.
    Prenant appui sur ses mains posées sur le lit de chaque côté de mon torse, le bobrun commence à me limer.
    C’est tellement beau qu’il me faut un petit moment pour réaliser à quel point me faire prendre dans cette position, c’est également sacrement bon. Je sens bien sa queue coulisser en moi, l’angle d’entrée est juste fabuleux.
    Regarder ce mec prendre son pied est juste fabuleux, je crois que même les Dieux aimeraient assister à ce spectacle majestueux.
    Il fait chaud dans la pièce. Sous l’effort, le beau mâle commence à transpirer. Son front, son visage, son cou, son torse vallonné sont moites. Ce qui rend le bogoss on ne peut plus sexy.
    Sans arrêter de me pilonner, le bogoss se redresse. À nouveau en appui sur ses genoux, il se tient droit comme un « I », ses pecs se bombent, ses abdos ondulent au gré de ses va-et-vient, sa carrure est impressionnante comme jamais. Son torse dressé domine mon corps allongé.
    Je ne peux pas résister à la tentation de tâter des pecs d’acier, son cou, ses épaules massives. Je n’arrive toujours pas à réaliser que des muscles puissent être si fermes.
    Dans la recherche des appuis pour mieux me défoncer, le bogoss n’est pas à court d’idées. Un coup, il pose ses mains grandes et chaudes à plat sur mes pecs, sur mes tétons. Puis, il saisit mes reins, pour que les siens puissent mieux me secouer. Ou encore, il attrape mes jambes, il fait passer mes mollets sur ses épaules, il soulève mon bassin, il s’enfonce de plus en plus profondément en moi, il me martèle sans pitié.
    A cet instant précis, pendant qu’il me lime sans ménagement, sa domination virile est impressionnante comme jamais. Au gré de cette séquence d’attitudes de mâle en rut, je me sens à lui, complètement à lui. Et moi, je prends mon pied comme je n’aurais jamais cru que ce soit possible.
    Dommage que je n’arrive pas à capter son regard, car il semble perdu dans le vide. De toute façon, je ne suis pas certain que j’arriverais à le soutenir.
    Je me laisse happer par la beauté de ce corps complètement livré à la quête de son orgasme, je me laisse hypnotiser par les oscillations de sa chaînette, au gré et en contrecoups de ses coups de reins, de ses va-et-vient. Je suis à la fois excité et fasciné par ce mouvement si masculin, si intime si puissant.
    « Putain qu’est-ce que t’es beau Jérémie…» je laisse échapper, ivre de plaisir.
    Aucune réponse ne vient de la part du bogoss au regard toujours fuyant.
    « Qu’est-ce que j’aime quand tu es en moi… » je relance, avant de continuer, comme ivre.
    « T’aime ça, la queue, hein ? » fait-il, plantant enfin son regard très brun dans le mien, un regard chargé d’un je-ne-sais-quoi d’excité et de brutal, l’expression d’un jeune mâle en rut.
    Et il enchaîne :
    « Il te faut un vrai mec pour jouir, hein ? Elle te sert à rien la nouille que t’as entre les jambes…tu n’as que ta bouche et ton cul pour prendre ton pied… ».
    « Tu me fais jouir comme un Dieu… ».
    « Vas-y, dis-le que t’as besoin de te faire baiser pour prendre ton pied de gonzesse… ».
    « Oui… oui… j’ai besoin de me faire baiser pour prendre vraiment mon pied…j’ai besoin de ta queue… » je lui concède, ravi de me soumettre à ce jeune mâle dominant dans le feu de l’action.
    « Tu vas tellement te faire démonter le cul que tu vas me supplier d’arrêter… » il me lance.
    Attitude de petit con très sûr de sa queue, va ! Et qu’est-ce que je kiffe cette attitude !
    L’image de ce jeune mâle en train de me baiser, tous muscles en action, tendu vers sa jouissance, transpirant à grosses gouttes dans l’effort, est étourdissante. Cette image, couplée à la sensation de sa queue limant magistralement mon trou, est un bonheur indescriptible.
    « Putain de cul à foutre, je vais te remplir… ».
    « J’attends que ça… ».
    Et alors que ses coups de reins ralentissent, la voix cassée par le pic d’excitation qui entoure l’orgasme il lâche, sur un ton animal :
    « Oui, oui, oui, ça vient, ça vient, prends ça, salope!…prends ça!…et ça!…».
    Ses paupières retombent lourdement sous l’effet du relâchement musculaire, sa bouche s’ouvre pour laisser échapper des ahanements qui ne trompent pas. C’est la première fois que je le vois jouir, et c’est beau à se damner. J’ai l’impression de ressentir en moi la vague d’énergie dégagée par son orgasme, cette vague qui parcourt son corps jusqu’à faire évaporer son esprit, cette vague qui circule en boucle dans nos corps unis dans le plaisir.
    Si je ferme les yeux, même après tant d’années, je me souviens de cette première fois que j’ai vu, que j’ai senti mon bobrun en train de jouir. Je ressens, exactement comme à cet instant précis, son plaisir vibrer dans le frémissement de ses muscles ; je revois la jouissance s’afficher dans une sorte de grimace sur son beau visage. Pendant un instant, le temps de quelques giclées de bonheur, Jérémie n’était plus là, il était tout seul, perdu dans un monde de plaisir total.
    Je n’ai pas vraiment le temps de me remettre de mes émotions que très vite le bogoss se dégage de moi, il passe une nouvelle fois son jeans pour aller fumer en terrasse, me laissant là, allongé sur le lit, les jambes écartées, les fesses relevées par un oreiller écrasé, rempli de son jus de mec.
    Je n’ai toujours pas joui, mais je m’en fous, je viens de prendre mon pied comme jamais. Je suis tellement excité par ce qu’il vient de me faire que j’en tremble.
    Je le regarde en train de fumer, de reprendre son souffle, prêt à m’offrir à lui dès que l’envie lui reprendra.
    Hélas, une fois sa cigarette terminée, le bogoss me dit carrément de me tirer, car il a des trucs à faire.
    « Jérém…» je lui lance en partant, après avoir griffonné mon numéro sur un bout de papier sur le meuble à côté de la porte d’entrée « voilà mon 06…tu m’appelles ou tu m’envoies un sms quand tu veux, si tu veux…».
    « J’appellerai pas… » sera sa réponse laconique.
    Une minute plus tard, je me retrouve seul dans la rue de la Colombette.
    Je n’ai pas encore atteint le boulevard Carnot que je réalise à quel point je me sens physiquement comblé mais psychologiquement dérouté ; à quel point, une fois le plaisir consommé, des angoisses grandissantes s’imposent à mon esprit : quand est-ce que je le reverrai ? Quand est-ce que je coucherai à nouveau avec lui ? Est-ce que j’ai raison de me laisser à ce point dominer par ce mec ?
    Lorsque j’arrive au Grand Rond, je ressens un certain malaise s’emparer de moi, un malaise qui grandit au fur et à mesure que je m’éloigne de ce studio où un autre Nico se dévoile.
    Un malaise qui m’envahit complètement le soir, dans le lit, un malaise qui ressemblerait presque à un sujet de dissertation.
    « Coucheries avec un bobrun : pendant le sexe et après le sexe, deux univers à part. »

    Thèse :

    Pendant l’excitation, pendant nos ébats, j’adore me soumettre à son plaisir, à ses attitudes de macho, à sa bite. Plus je me donne à lui, plus j’ai envie d’aller encore plus loin dans la soumission à ce beau mâle, et à son manche fabuleux.
    Le premier contact avec sa queue incandescente avait instantanément révélé cette facette de moi, il l’avait révélée avec une puissance et une évidence aveuglantes, il l’avait révélée à moi-même avant tout.
    Je me rends bien compte que je devrais remercier le destin de m’avoir permis de croiser le lit de ce beau spécimen, ce véritable fantasme sur pattes, un fantasme que nombre de jeunes gays voudraient pouvoir se taper ne serait-ce qu’une fois dans leur vie.
    Je devrais être comblé : et je le suis, au plus haut point, pendant la baise. Pourtant…

    Antithèse :

    Mais quand c’est fini, je me sens comme rabaissé, comme sali. À chaque fois que je quitte son appart, j’ai l’impression que je viens de m’enfermer un peu plus dans le rôle de vide couilles d’un beau mâle. Plus je baise avec lui, plus j’accepte de me soumettre à sa domination, plus je me sens honteux une fois que c’est terminé, plus j’ai de mal à le regarder dans les yeux, à m’adresser à lui.
    J’adore l’idée qu’il m’utilise pour son plaisir. Le problème c’est qu’une fois qu’il a joui, j’ai comme l’impression qu’il me méprise, l’impression de me faire jeter comme une capote usagée.
    Je ne demande pas à être embrassé tendrement, juste un minimum de considération. Un mot, un regard, je ne sais pas, qu’il me montre qu’il a bien pris son pied, qu’il a envie de recommencer, qu’il est heureux de coucher avec moi. Je ne demande rien de plus qu’un minimum de complicité…

    Thèse, antithèse, mais guère de synthèse…

    Il est deux heures trente. Juste avant de m’endormir, j’ai enfin un moment de lucidité. La vérité c’est que je suis en train de m’attacher à ce mec. Et ça, c’est précisément la connerie à ne pas faire.
    Mais comment échapper à ce sentiment que je traîne en moi depuis le premier jour du lycée, ce sentiment qui s’embrase désormais, catalysé par cette alchimie sexuelle qui me rend fou ? Comment me protéger de ce sentiment de manque qui envahit mon corps et mon esprit dès que je suis loin de lui ?
    Jérémie m’a dépucelé, il m’a rendu accro à son corps, à sa queue, il m’a fait découvrir le plaisir de passif. Et il est chose inhumaine d’imaginer de pouvoir séparer l’amour physique des sentiments. Surtout à 18 ans, et surtout quand les sentiments étaient là avant l’amour physique.


    11 Souvenir de Jérémie – Juin 2000
    (Moins d’un an avant « première révision »).

    C’est à la soirée de fin d’année de première que j’ai fait la connaissance de Thibault.
    D’après ce que j’ai pu comprendre, il joue dans la même équipe de rugby que Jérém. Et, surtout, Thibault est le meilleur pote de Jérém. C’est à ce titre qu’il a dû être convié à prendre part à cette soirée de fin d’année, même s’il n’est pas dans notre classe, ni dans notre lycée.
    Thibault est un beau garçon aux cheveux châtains, un peu moins grand que Jérém mais plutôt du genre bien charpenté, un garçon très charmant et d’une gentillesse exquise.
    Après le repas au resto, quelqu’un a lancé l’idée d’aller faire un tour à la fête à Fenouillet. A cette époque encore, les permis et les voitures ne sont pas nombreux dans notre classe. Pour des raisons d’âge, Jérém est motorisé, il dispose d’une 205 d’occasion rouge feu.
    Thibault aussi dispose d’une voiture, ainsi que certains camarades.
    Evidemment, je ne suis pas en voiture avec mon beau Jérém. « Tant mieux », j’ai envie de dire, ça aurait été trop dur d’être à côté de lui et de faire tapisserie.
    Pour la fête locale, les forains ont mis le paquet, ça clignote et ça fait boom boom de partout.
    Les mecs ont d’abord fait étape au punching-ball, ils se sont ensuite déplacés au stand de tir, pour échouer enfin à une buvette, sorte de riche vitrine de jeunes mâles en train de saouler la gueule, de déconner, de consolider leurs amitiés viriles.
    A un moment de la soirée, je vois Jérém s’éloigner tout seul. Mais où est-ce qu’il va ce petit con ? Je ne vais pas tarder à être fixé.
    Pendant son absence, j’entends des camarades parler d’une nana qui aurait flashé sur lui lors de l’étape au punching-ball.
    Lorsque je réalise que le bogoss est parti tirer son coup avec une nana, j’ai soudain l’impression que mon ventre est le punching-ball et que la meute de jeunes mâles vient tout juste de se défouler dessus. L’idée qu’à cet instant précis, le gars qui me rend dingue est en train de se faire peloter ou sucer par une nana, m’est insupportable. J’ai envie de crier, j’ai envie de tout casser.
    Le bogoss revient une demi-heure plus tard, la cigarette au bec, il revient vers ses potes, sa garde rapprochée, un petit sourire bien coquin illuminant son beau visage.
    Jérémie est accueilli de la même façon qu’il a été salué tout à l’heure, affectueusement raillé par ses potes. Des mots comme « serial baiseur » ou « bite à tête chercheuse », lui sont lancés.
    Sans ciller, le bobrun reprend sa place sur la chaise haute qu’il avait quittée une demi-heure plus tôt et qu’on lui a gardée.
    Le regard fier et taquin, il redemande une bière, l’air plutôt fier d’entendre ses potes « célébrer » son exploit avec des moqueries transpirant un subtil mélange de jalousie et d’admiration.
    Derrière son regard conquérant, il sait que ses potes n’attendent qu’une chose, l’entendre justement raconter son exploit.
    La bière demandée atterrit enfin dans la main du bogoss. Il en boit une bonne rasade, avec ce geste très mec de porter le goulot direct à la bouche. Je suis happé par sa pomme d’Adam s’agitant nerveusement au rythme de sa déglutition.
    Puis, le bogoss commence à parler, un petit sourire très coquin au coin des lèvres, l’air du mec plutôt fier de lui.
    Je suis loin, trop loin, à l’opposé de la buvette, et la musique est trop assourdissante pour que je puisse entendre ce qu’il est en train de raconter à ses potes. Je donnerais pourtant une fortune pour pouvoir entendre son récit. Même si je sais que cela serait très dur à entendre pour moi.
    Un camarade vient certainement de lui balancer un truc drôle. Jérém sourit, il ôte la cigarette des lèvres, l’air pressé de répliquer à la boutade de son pote. Et là, il a ce geste en apparence anodin, inconscient, mais que je trouve si « mec », le geste de se gratter la joue avec le pouce de la main qui tient la cigarette, tout en plissant les yeux. Putain, qu’est-ce que je le trouve sexy à cet instant précis !
    Jérém vient à son tour de balancer un truc bien drôle ou bien salace, car je vois toute la clique rigoler.
    Thibault pose son bras sur l’épaule de Jérém, le genre de geste de complicité virile entre mecs qui m’a toujours fasciné. Et, à fortiori, lorsque ça concerne mon bobrun. Thibault rigole, et avec son autre main, il semble indiquer quelque chose dans le cou de son pote. Un « quelque chose » que je ne tarde pas à identifier (avec horreur) comme étant une trace de rouge à lèvres.
    Je sais que Jérém est un mec à nana, sa réputation dans ce domaine n’est plus à faire. Pourtant, mis devant l’évidence, je ne peux m’empêcher de crier intérieurement au gâchis monumental.
    Oui, devant le fait de voir sa sexualité aussi clairement évoquée, je ressens une intense brûlure dans le ventre. Je me sens anéanti par la distance abyssale entre la violence de mon désir pour ce mec et son inaccessibilité totale. J’ai envie d’hurler ma déception, j’ai envie de crier la souffrance qui me ravage de l’intérieur.
    Une heure plus tard, je rentre à Toulouse dans une autre voiture que celle de l’aller. Autour de moi ça discute, ça rigole. Mais moi, je n’ai pas du tout envie de rigoler.
    Le périphérique défile sous mes yeux, et moi je reste seul dans mon coin, prétextant la fatigue et l’envie de dormir. La jalousie et la frustration me ravagent.
    Soudain, je ressens en moi la violente envie de savoir, l’envie d’être un p’tit con comme Jérémie, ne serait-ce qu’une seule journée, l’envie d’avoir les atouts physiques, l’assurance, le charme, l’insolence, l’impertinence, le tout relevé d’une petite arrogance bien dosée. Je voudrais savoir décocher des sourires diaboliquement sexy, lancer des regards brûlants, maîtriser avec aisance et virtuosité le langage corporel et verbal du petit con. Je voudrais apprivoiser l’art du port du t-shirt moulant et de la casquette à l’envers, cet art qui fait d’un petit con un parfait petit con.
    Oui, pendant une seule et unique petite journée, je voudrais pouvoir ressentir la grisante sensation de me savoir maté non-stop, de me savoir désiré de toute part. Je voudrai pouvoir me dire que ma virilité radioactive me permettrait de me taper à peu près qui je voudrais, quand je le voudrais, d’un claquement de doigts.
    Oui, je voudrais au moins savoir, juste savoir, ce que ça fait d’avoir l’impression que le monde est à mes pieds, que tout m’est permis, ou presque, je voudrais vivre une journée dans la peau d’un petit con pour qui tout cela est tout simplement naturel, je voudrais jouir de cette insouciance, au sens propre comme au sens figuré.
    Ah oui, pouvoir être un p’tit con comme Jérémie, ne serait-ce qu’une seule journée, je crois que ce serait un vœu que je ferais volontiers au Génie de la lampe.
    Mais il y en un deuxième vœu que j’aimerais formuler, peut être encore plus fiévreusement que ce premier. C’est celui d’exister aux yeux d’un p’tit con comme Jérémie. Être son pote, déjà, pouvoir le côtoyer régulièrement, partager des moments avec lui, faire partie de sa vie, jouer au rugby avec lui, partager les vestiaires, les troisièmes mi-temps, savoir ce qu’il aime, devenir son complice, son confident. Faire partie de sa « meute ».Etre son meilleur pote, comme Thibault.
    Thibault à qui, hélas, je n’ai pas eu l’occasion – je n’ai pas osé – adresser la parole de la soirée.
    Troisième vœu, en plus de l’amitié – ou à la place, si le choix s’impose – avoir le cran de lui exprimer mon attirance, connaître le bonheur de le voir accepter cette attirance, sans réticences, en être flatté. Puis, s’amuser à flirter, se rapprocher doucement. Rien que le fait de ressentir le désir d’un p’tit con comme Jérémie, qu’est-ce que ça doit être fabuleux !
    Et quand le p’tit con est prêt, je connaîtrai cet instant magique où il franchit la barrière, où il cède enfin à la tentation. Je serais celui qui l’amène à transgresser ses tabous, ses à priori, ses interdits, celui qui lui faire découvrir des envies qui sont déjà en lui mais qu’il n’a jamais osé assouvir. Je serais le premier à lui faire découvrir ce que c’est le plaisir entre garçons. Je le laisserais me posséder, me remplir de lui et de sa virilité. Je lui offrirais l’orgasme de sa vie, tout en lui laissant par ailleurs l’impression que c’est lui qui est aux commandes, qu’il est LE p’tit mâle, le seul. Je conforterais un peu plus son ego et sa fierté de petit macho.
    Alors, est-ce que j’ai davantage envie d’être et de jouir comme Jérémie ou bien de faire jouir Jérémie ? Franchement, entre les deux, mon cœur balance…
    Ce serait un bon sujet de philo du bac : vous avez 4h !!!!!


    12 Le reflet de Jérém dans le miroir
    Vendredi 11 mai 2001.

    Le lendemain de cet après-midi de baise avec le beau Jérémie, que j’appellerai désormais Jérém, puisque tout le monde l’appelle ainsi, la journée s’annonce difficile.
    Dès le réveil, et tout au long de la journée, mon corps semble mettre un point d’honneur à me rappeler sans cesse la puissance physique et sexuelle du beau brun lors des « révisions » de la veille.
    Pourtant, sa queue me manque déjà, elle m’a manqué à l’instant même où elle s’est extirpée de moi. Un sentiment de vide et d’abandon s’est fait ressentir en moi, tout aussi bien dans mon corps que dans mon esprit.
    Comme souvent, nous ne nous échangeons même pas un simple bonjour. J’ai de plus en plus l’impression que plus on baise, plus le bobrun met un point d’honneur à m’ignorer en cours.
    Pour ma part, je passe le plus clair de mon temps à essayer d’éviter de le regarder, pour éviter de me faire davantage de mal. Oui, je veux éviter de renouveler trop souvent cette intense piqûre au ventre, ce déchirement, cette envie brûlante, à couper le souffle, tout ce que j’ai ressenti en le voyant débarquer le matin avec une chemise noire superbement taillée, complètement ouverte sur un t-shirt blanc col en V…
    Après la pause déjeuner, en ce chaud après-midi de printemps, cours de physique. J’essaie de suivre. Mais comment me concentrer sur ce qui se passe au tableau, sur les mots du prof, alors que, dès le début du cours, le bogoss a tombé sa chemise noire, laissant apparaître son torse magnifique enveloppé par le coton blanc, ce bout de coton offrant une vue plongeante sur son cou puissant, dénudant une belle portion de ses pecs à la peau mate ? Putain de bogoss !
    J’ai toujours trouvé ça très sexy, un simple t-shirt blanc, car j’ai toujours pensé qu’on n’a rien inventé de plus simplement et redoutablement sexy à mettre sur le torse d’un bogoss.
    Va savoir pourquoi, ce simple bout de coton blanc me fait tant d’effet.
    Peut-être que le t-shirt blanc me renvoie à un terriblement sexy Top Gun/Tom Cruise, en t-shirt blanc, jean et blouson en cuir, à cheval de sa moto, ou bien en uniforme, d’où dépasse toujours un bout de t-shirt blanc.
    Peut-être qu’il me renvoie à la scène du dispensaire, au début de « Pearl Harbor », scène dans laquelle on a le plaisir de mater une multitude de jeunes étalons, parmi lesquels Ben Affleck et Josh Harnett, les torses bien taillés enveloppés dans ce coton blanc et doux.
    Le blanc, la couleur de la perfection, une perfection qui souligne par analogie la perfection plastique et le charme d’un bomec. Plutôt ajusté, carrément moulant, col rond, en V ou avec des échancrures vertigineuses, un t-shirt blanc, est toujours du meilleur effet.
    Au final, le cours de physique se déroule sans que j’en écoute un traître mot. Mes courbatures sont de plus en plus vives. Plus l’après-midi avance, plus je trouve ma chaise inconfortable. Je n’ai qu’une envie, celle de rentrer chez moi, de m’allonger sur le lit, et d’attendre que ça passe.
    A contrario, je trouve Jérém très en forme. Je le regarde faire le con avec d’autres camarades au fond de la classe. Son sourire est magnifique, et il respire l’insouciance, le mec bien dans ses baskets.
    Apparemment, lui n’a gardé aucune séquelle de nos ébats de la veille, ni physiquement, ni dans la tête.
    C’est facile pour lui, il a le beau rôle. Lui c’est l’actif, il s’est vidé les couilles, c’est tout. Il peut se dire qu’il baise un mec par curiosité, pour d’amuser, il reste quand même dans son rôle de mec, il peut se dire qu’il n’est pas pd.
    J’ai l’impression que ce qui se passe dans son studio lors des révisions, ça ne le marque pas plus que ça, comme si ce n’était qu’une baise parmi tant d’autres, une simple variante de son plaisir de mâle.
    Presque, il baiserait avec moi, au lieu de se taper une nana, comme il choisirait une boisson plutôt qu’une autre. Tiens, aujourd’hui je troque le Coca pour du Fanta. Tiens, aujourd’hui je troque la chatte d’Anaïs pour le cul de Nico…
    Mais pour moi, ce n’est pas du tout pareil. Jérém est le premier et seul mec avec qui j’ai couché, ce n’est pas un « aller voir ailleurs » par rapport aux nanas, d’autant plus que je n’ai jamais couché avec une nana et que coucher avec une nana ça ne me dit rien du tout.
    C’est avec lui que j’ai envie de coucher, lui, et lui seulement.
    Lorsque je repense à nos ébats, je repense à sa puissance sexuelle, à son rôle d’actif, à ma soumission, à mon rôle de passif. Je repense à ce « jeu de rôles » que Jérém a bâti à l’image de ses envies et qui est en train de façonner ma sexualité. Je deviens passif, complètement passif, et ça me fait peur.
    Dès le jour où j’ai commencé à imaginer les relations physiques entre garçons, voilà que dans ma représentation mentale, être passif était être davantage pd qu’être actif.
    Oui, c’est con, je sais. Le conditionnement des conneries qu’il m’est arrivé d’entendre au lycée, et un peu partout, a certainement joué un rôle dans cette « peur », dans cette « honte » d’être passif.
    Je me souviens d’une « blague » d’un camarade de collège à propos des pd, c’était dans les vestiaires, après le cours de sport.
    « Chacun prend son pied là où il peut… » il avait balancé, alors que la discussion tournait autour des pd, sous-entendant ainsi que tous les pd sont passifs, et qu’ils sont passifs parce qu’ils sont impuissants.
    Une réflexion qui n’explique pas comment tous ces pd passifs pourraient être sexuellement satisfaits, si vraiment tous les pd étaient passifs et impuissants. Une réflexion qui, même si elle ne m’était pas directement destinée, m’a quand même profondément blessé.
    Je me souviens aussi d’avoir lu quelque part, à l’âge de 15 ans, que dans certains pays la sodomie est un délit puni par la loi, une loi qui prévoit que le passif soit puni plus durement que l’actif, par la torture, ou même par une mort atroce. Et ce, pour le seul délit d’avoir eu envie de permettre à un mec actif de prendre son pied.
    Voilà qui est particulièrement violent à lire, à imaginer, à concevoir lorsqu’on a 15 ans et que l’on commence à regarder les garçons, à se demander si on n’aurait pas envie de s’offrir passivement à ce bogoss qu’on voit tous les jours au lycée et qui hante nos branlettes.
    En sortant du cours, les mots actif, passif, résonnent en moi comme une rythmique répétitive et assourdissante. En marchant vers la maison, je me demande ce qui se serait passé si, au lieu de tomber d’entrée sur un « Jérém », j’étais tombé sur un mec passif.
    Est-ce que si le mec m’avait proposé de me sucer plutôt que m’imposer de le sucer, s’il avait voulu que je le prenne au lieu de me prendre, comme une évidence, est-ce que ma sexualité aurait été autrement aiguillée ?
    On ne choisit pas d’être gay. Mais est-ce que pour autant, nos rôles au lit sont prédéfinis, innés, ou bien ce sont les évènements et les rencontres qui façonnent nos pratiques, nos envies ? Et, quelle que soit la réponse à cette question, est ce que le rôle, actif ou passif, est figé à vie ? Quand on s’assume, quand on aime, actif et passif ne sont plus que des nuances d’un seul plaisir, le plaisir de se faire plaisir entre garçons.
    Ce soir-là, sa chemise est toujours avec moi, dans le lit. Il ne me l’a pas réclamée, je fais mine de l’oublier. J’adore l’idée d’avoir chez moi un de ses vêtements, et à fortiori car il a été porté par le bobrun, qu’il n’a pas été lavé depuis, et qu’il est encore imprégné d’un mélange de son parfum et de l’odeur de sa peau. Et si le premier a tendance à disparaître, ses petites odeurs de jeune mâle persistent, des petites odeurs qui me font littéralement tourner la tête.
    Le week-end arrive, le samedi et le dimanche s’écoulent sans relief, chargés d’ennui et d’attente de le revoir.

    Lundi 14 mai 2001.

    Le lundi matin je me réveille plus en forme, avec une trique d’enfer, et je me branle pendant que le réveil sonne.
    Je retrouve le beau Jérém en cours, toujours aussi craquant, le torse moulé dans un t-shirt violet, chaînette rigoureusement posée à l’extérieur, bien en vue. Je passe toute la journée à me demander si le bogoss aurait envie de se laisser sucer après les cours.
    En vain.
    C’est n’est que le lendemain, mardi, que Jérémie m’annonce enfin, avec un petit sourire coquin aux lèvres, qu’il a envie de « réviser » après les cours.
    A 18 heures, me voilà à nouveau à genoux devant son corps musclé, son torse nu, son jeans et son boxer descendus à mi-jambe.
    Mes lèvres autour de son manche, ma langue s’affaire sur son gland gonflé à bloc. Jérém semble prendre son plaisir à fond, je le sens respirer et déglutir bruyamment sa salive, tout tendu vers le plaisir, comme dans un état second. Je suis heureux.
    Définitivement, le mec semble avoir relevé qu’il existe une touche de mon anatomie qui a le pouvoir de rendre ma fellation encore plus magique. Et voilà qu’il parcourt le coton de mon t-shirt à la recherche de mes tétons, qu’il commence à les agacer diaboliquement, alternant caresses légères et pincements plus appuyés.
    Mon excitation monte et fatalement l’allure de ma fellation change. Ça doit bien lui plaire car, à un moment, il se lance dans un truc encore plus inattendu, il fait glisser sa main dans le col de mon t-shirt. Le contact direct de ses doigts avec ma peau est une sensation délirante, il provoque en moi une excitation violente, un frisson qui me fait sursauter.
    Je le suce de plus en plus avidement et très vite, je sens son orgasme approcher. J’attends avec impatience l’arrivée de bonnes giclées de son nectar de mec dans ma bouche.
    Mais Jérém en a décidé autrement. Il sort précipitamment sa main de mon t-shirt, ainsi que sa queue de ma bouche, il attrape le haut de mon t-shirt, m’obligeant ainsi à l’enlever, il se branle à peine et il crache plusieurs jets de semence chaude dans le creux de mon cou. Ses giclées frappent violemment ma peau, éclaboussent mon menton, mon visage, mon cou, mon torse. Décidément, ce mec a des idées claires et variées en matière de baise.
    Dès que les jets se terminent, le bel étalon présente sa queue à mes lèvres. Sans me faire prier davantage, j’enroule ma langue autour de son gland et j’astique son bel engin avec bonheur, trop heureux de retrouver un peu de son goût de mec.
    Puis, le bogoss remonte son froc et sort fumer sur la terrasse. Je me relève, je m’assois sur le lit et je le regarde torse nu, baignant dans la lumière du soleil.
    Je ne sais pas si ce n’est qu’une impression, si l’echo de ses coups de reins, si le goût de son jus dans ma bouche faussent mon ressenti, comme sous l’effet d’une drogue puissante, mais chaque fois, après l’amour, j’ai l’impression que le regarder torse nu me fait deux fois plus d’effet, et que l’émotion que je ressens en m’enivrant de sa présence m’émeut presque aux larmes. Je le regarde et j’ai envie d’aller le rejoindre, de le serrer dans mes bras.
    J’en ai très envie mais je n’ose pas. Je sens que si je tentais ça, surtout en terrasse, il me jetterait comme une merde.
    Le bogoss écrase son mégot, il rentre dans la pièce et, sans me lancer le moindre regard, il se dirige vers la salle de bain.
    « Viens… » je l’entends me lancer juste avant de disparaître de ma vue en changeant de pièce.
    Soudain, mon cœur s’emballe, il redouble de pulsations. Je ne sais pas ce qu’il veut, je sais seulement qu’il le veut, qu’il en veut encore. Et c’est magique.
    En un éclair, j’ôte mes chaussures, mon pantalon, je garde juste mon boxer et je le rejoins dans la salle de bain. Le bogoss est déjà complètement à poil, la queue tendue, tout simplement magnifique.
    « Viens-là…» fait-il sèchement, en m’attrapant fermement par le bras et en m’obligent à me positionner entre le lavabo et lui, face au miroir.
    Et là, dans le reflet de la glace, je vois mon bel étalon. Il se tient peut-être 20 centimètres derrière moi, pourtant son corps dépasse du mien aussi bien en hauteur, en gabarit, en puissance, en teint mat, en perfection plastique.
    Le reflet de son regard rencontre le mien. Et dans ses yeux bruns il me semble deviner une nouvelle bonne envie de jeune mâle en rut.
    Un instant plus tard, ses mains enserrent mes hanches, la prise est ferme, puissante, elles m’attirent à lui subitement. Son bassin se colle à mon bassin, sa queue raide et bouillante se cale dans ma raie encore cachée sous la fine couche de coton de mon boxer. Dans ma tête c’est le black-out, mes paupières retombent, mes yeux se ferment.
    A cet instant précis, la vue se retrouve forcée d’abdiquer face à la puissance des sensations que d’autres sens se chargent désormais de m’apporter.
    Le toucher, en premier : son torse se colle à mon dos, l’épouse sur tout son développement, sa peau est incroyablement douce et plus chaude que la mienne, son souffle chatouille mon oreille, sa barbe frotte contre mon cou, et une puissante sensation de bien-être irradie instantanément dans tout mon corps.
    Le bobrun se colle contre moi, m’attire à lui, me fait sentir à lui. Je suis vraiment fait pour ça. Puissante sensation, que l’étreinte d’un méga bogoss.
    L’odorat : son parfum m’étourdit, mais aussi l’odeur complexe de sa salle de bain, un mix de gel douche, de lessive, avec quelques bonnes petites odeurs de vestiaires après le sport.
    L’ouïe : « Ouvre les yeux, et regarde-toi dans le miroir… » je l’entends lâcher, m’imposer, sur un ton qui fait vibrer en moi quantité de cordes sensibles.
    Débordé par toutes ces sensations, j’ai du mal à réagir, je suis comme dans un état d’hypnose, je ne suis plus maître de moi-même. A cet instant précis, il pourrait faire de moi ce qu’il veut, je ne pourrais rien lui refuser, vraiment rien. Ce mec a tous les pouvoirs sur moi. C’est une grisante sensation, qui me donne le vertige.
    « Ouvre les yeux ! » il insiste, sur un ton de plus en plus directif, tandis que ses mains resserrent encore un peu plus leur prise sur mes hanches, m’attirent encore plus fermement à lui.
    Je m’exécute. Et l’image qui se présente à mes yeux dans le miroir, est celle de son corps musclé dominant complètement le mien, de ses lèvres collées à mon oreille, de son regard lubrique, dégageant une sensualité dense, brûlante. Plus que jamais, je me sens une petite chose fragile en proie au bien vouloir d’un mâle alpha.
    Ses mains quittent mes hanches et attrapent mon boxer, le descendent d’un geste rapide et déterminé. Jérém va me baiser. J’ai le cœur en fibrillation, j’ai l’impression que je vais définitivement perdre pied.
    Mes mollets et mes pieds s’affairent à se débarrasser du petit bout de tissu qui n’a plus d’utilité dans l’immédiat. Ses mains chaudes saisissent mes fesses d’un geste ferme, assuré. Ça y est, je perds pied…
    Le bogoss se tient derrière moi, il se branle tout en me regardant dans le miroir. C’est beau à voir, un bogoss avec la main sur sa queue. Mais putain, après qu’il m’ait chauffé de la sorte, je suis impatient de l’avoir en moi !
    « Vas-y, dis-moi de quoi t’as envie… ».
    « J’ai envie de toi…» je lâche, au bout de mon désir, fou d’envie.
    « Tu veux ma queue bien profond ? » il insiste.
    « Ah, oui… tu me fais de ces trucs… ta queue me rend fou… vas-y, fais toi plaisir… mon cul est à toi… » je lui balance, comme ivre mort.
    « Ça te plaît quand je te baise, hein, espèce de petite salope…» il enchaîne.
    « Oh que oui, tu fais ça comme un Dieu…» je le seconde, sans me faire prier.
    « Je vais te démonter ton cul de salope…».
    « L’autre jour tu as déjà bien commencé…» j’ai envie de le chauffer encore davantage « j’ai eu l’impression d’avoir ta queue en moi pendant toute la semaine…».
    « Et tu vas la sentir encore, t’inquiète… ».
    Ses deux mains saisissent à nouveau mes globes pour les écarter. Son gland se balade dans ma raie, passe et repasse sur mon trou, me faisant languir, me faisant gémir de plaisir. Je n’en peux plus.
    « Tais-toi, salope, il y a des voisins ! » il m’intime.
    « Jérém, prends-moi, j’en ai trop envie…» je le supplie.
    « Tu l’aimes, ma queue… » il continue.
    « Je l’adore, elle me fait trop jouir… tu me fais jouir comme jamais j’ai joui…».
    « Evidemment, je t’ai dépucelé… » fait-il, narquois.
    Un instant plus tard, le bobrun presse son gland sur ma rondelle, il force avec son bassin. Je suis coincé entre le meuble du lavabo et sa queue dure comme l’acier, je n’ai pas d’échappatoire. Sollicitées par la pression grandissante de son gland, mes chairs s’écartent sans presque opposer de résistance. Sa main se pose lourdement au milieu de mon dos, l’obligeant à s’incliner davantage.
    Le bogoss est désormais complètement en moi. Quant à moi, je me sens complètement rempli, complètement possédé par son sexe. Lorsqu’il est en moi, je suis très heureux d’être homo, heureux d’être passif, heureux de pouvoir jouir de cette façon si puissante. Quand il est en moi, je me dis que je suis vraiment fait pour ça.
    Cette petite attente avant qu’il ne se déchaîne en moi, c’est une sensation indescriptible qui me permet de savourer d’avance le bonheur sensuel qui m’attend.
    Dans un instant, il va commencer à me limer, et cette position devant le miroir va me permettre de voir le bogoss prendre son pied.
    Dans cette position je vais également me voir, je vais me retrouver confronté à moi-même, à mon plaisir, à ma soumission, je vais devoir assumer mon propre regard, et ça m’inquiète un peu. Je ressemble à quoi lorsque je suis débordé par le plaisir de me faire tringler par ce superbe mâle ?
    Ça y est, le bogoss commence à me pilonner, tout en enserrant fermement mes hanches pour donner plus d’élan à ses coups de reins.
    Son reflet dans le miroir me rend dingue. Plié sur le lavabo, j’arrive quand même à capter une image presque complète de son torse, de ses coups de reins, des mouvements de sa petite chaînette de mec, des vagues de plaisir qui se succèdent sur son visage.
    Je suis tellement débordé par l’excitation, submergé par le bonheur de cette queue coulissant vigoureusement en moi, que mes paupières retombent à nouveau.
    « Ouvre les yeux, putain… regarde-toi en train de te faire baiser… » il m’intime.
    Je me regarde dans le miroir, le torse incliné, les fesses bien offertes aux assauts, aux envies de Jérém, le seul mâle d’entre nous deux.
    J’avais eu peur de ne pas supporter mon image dans le miroir, l’image d’un mec soumis, s’offrant sans pudeur et sans limites à un jeune mâle dominant. Il n’en est rien. Au contraire, tout est enfin clair dans ma tête.
    Actif, passif, ce ne sont que des mots, il n’y a que le plaisir qui compte. Non, on ne prend pas son pied là où l’on peut, on le prend là où l’on aime le prendre.
    Je suis si excité, si débordé par la puissance de sa saillie, je perds toute raison, toute notion de temps, d’espace, je ne suis plus qu’une torche embrasée de plaisir. Je me sens partir, j’ai l’impression que je vais disjoncter.
    Son bassin est de plus en plus déchaîné, son torse ondule frénétiquement, sa chaînette de mec sautille dans toutes les directions, ses cuisses claquent très fort contre mes fesses, ses couilles frappent violemment mon entrecuisse, sa queue lime rageusement les parois de mon trou chauffé à blanc, son gland cogne de plus en plus loin en moi.
    Puis, tout d’un coup, ses assauts ralentissent, s’espacent.
    « Je viens…je vais te remplir le cul… » je l’entends souffler, au bord du précipice de l’orgasme.
    « Vas-y, remplis-moi de ton jus de mec… » j’arrive à lui répondre, alors que je jouis à mon tour.
    Dans le reflet du miroir, tout son corps, tous ses muscles frémissent, sa bouche laisse échapper un râle puissant, tout juste étouffé. Dans le reflet du miroir, je vois son esprit s’évaporer, face à l’explosion éphémère mais totale de son plaisir.
    Jérém s’effondre sur mon dos, épuisé, le souffle chaud et haletant sur mon cou, sur ma nuque, sa queue toujours raide en moi.
    Je suis tellement bien là, rempli de lui, le corps écrasé par le poids et chauffé par la chaleur du sien. Je voudrais que ce contact ne cesse jamais, je voudrais me sentir rempli de lui chaque jour, chaque heure, chaque instant.
    Mais déjà le reflet du miroir me montre un Jérém en train de se déboîter de moi, de passer un boxer et de sortir de la salle de bain.
    « Tu peux prendre une douche… » il me lance, pendant qu’il passe la porte de la salle de bain.
    Je passe sous l’eau sans me précipiter, je prends mon temps pour me sécher. Je prends également le temps de jeter un œil, et deux narines, dans la corbeille du linge « sale ». Petite escapade un brin décevante, car un seul t-shirt s’y trouve, et pas l’ombre d’un boxer. Je ne me prive pas pour autant du bonheur de bien sniffer les fibres imprégnées de son empreinte olfactive.
    D’autant plus que je ne suis pas vraiment pressé de retourner dans le séjour car je sais que je vais y retrouver un mec pressé de me voir dégager. Et, franchement, je trouve ça triste, angoissant.
    Lorsque je trouve enfin le courage de quitter la salle de bain, Jérém est allongé sur le lit, torse nu, une main glissée dans le jeans, attitude inconsciente de mec, l’autre main en train de zapper.
    Le bogoss m’ignore. Je voudrais trouver les mots pour décrisper l’ambiance, pour créer une petite complicité. Mais, comme d’hab, rien ne me vient. Le silence est pesant, étouffant. Quel dommage de prendre autant son pied et de se sentir si mal à l’aise juste après.
    Une fois rhabillé, il ne me reste qu’à dégager le plancher.
    « Salut… » je lui lance.
    « Ouais… » il me répond, sans quitter l’écran des yeux.
    Qu’est-ce qu’il est beau, putain, mais qu’est-ce qu’il est dur avec moi. Son attitude augmente encore mon malaise, ma frustration, ma déception, mon sentiment de blessure.
    Après m’être donné si entièrement à lui, après avoir secondé toutes ses envies, après lui avoir montré mes fantasmes, lui avoir avoué à quel point il me fait de l’effet, après m’être mis à nu devant lui, dans tous les sens du mot, non, je ne peux pas me satisfaire d’un « ouais… » !
    Je n’arrive pas à me décider à partir, mes jambes refusent de bouger. J’ai besoin d’un simple regard, un regard qui assume le plaisir qu’on s’est offert l’un l’autre, un regard qui confirme mon ressenti, à savoir qu’un truc aussi bon ne doit pas nous faire culpabiliser, et ne peut pas nous éloigner juste après. J’ai juste besoin d’un regard qui me fasse sentir un peu plus que son jouet sexuel…
    « Tu vas rester planté là ? » je l’entends me narguer.
    « Non, je vais y aller… à demain…».
    « Bye…» fait-il, avec indifférence.
    La porte refermée derrière mon dos, je me retrouve dans le petit couloir sombre.
    C’est bizarre comme ce couloir n’a pas du tout la même allure à mon départ qu’à mon arrivée. Une heure plus tôt, il annonçait des retrouvailles fougueuses et des plaisirs intenses. Le voilà désormais transformé en lugubre présage d’une soirée seul dans ma chambre, en pensant avec tristesse à l’attitude froide et méprisante de Jérém après le sexe.


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